« Je n’imaginais pas que les jeunes adultes avec un handicap puissent avoir un appartement sans un job », c’est avec cette idée que Patricia Abellard a imaginé L’envolée de la Chrysalide, qui ouvrira ses portes à l’automne 2022 à Saint-Nazaire. Plus qu’un restaurant, L’envolée de la Chrysalide sera un lieu inclusif, qui mixera habitat intergénérationnel, lieu de vie, boutique solidaire et restaurant traditionnel. Le Mag a voulu en savoir plus sur cette aventure extraordinaire.
Interview réalisée le 20 janvier 2022
**Rencontre**
Au début était l’école
Patricia et Lionel Abellard étaient de simples parents qui cherchaient le meilleur pour leur fils, Mattéo, porteur de troubles autistiques. Elle, psychomotricienne de profession, ne voulait pas d’établissement médico-social pour son fils. « L’IME peut être très chouette pour des enfants qui ont des besoins éducatifs, mais nous, nous avions plutôt des besoins d’ordre pédagogique. » Alors, en 2012, Patricia créé La Chrysalide, une école Montessori à destination d’adolescents et de jeunes adultes en situation de handicap, avec des troubles autistiques ou diverses déficiences intellectuelles, « ce qu’ils ont en commun est de présenter de grandes difficultés pour accéder aux apprentissages ».
Ici, neuf professionnels accueillent quinze jeunes. Deux enseignantes, Anne-Laure et Maria, et une assistante de vie scolaire, accompagnent huit élèves de 11 à 16 ans. Une classe d’apprenants de 17 à 21 ans avec Michelle, ancienne enseignante, conseillère en vie sociale et Dorothée, chargée d’insertion professionnelle, travaillent sur l’autonomie : gérer un budget, faire une liste de courses, lire un document officiel, et réalisent des stages en milieu ordinaire avec des entreprises accueillantes du territoire.
Puis, le Chrysfab
Au 5 boulevard Victor Hugo, l’école est une grande maison, toute en douceur, tout en calme. Une grande salle de classe, équipée du matériel éducatif de la pédagogie Montessori, où s’affairent Léandre, Kenza et Matthys, où Josselin reprend des calculs avec Maria, où Emile travaille en autonomie.
Dans le canapé gris du petit salon, Victoire et Tania discutent du repas qu’elles ont préparé avec Marine pour le déjeuner. Au rez-de-jardin, l’atelier Chrysfab nous donne un aperçu de ce que sera le restaurant. La future cheffe, Jessica Luna-Lejeune, réalise des financiers avec Hanaé, tandis que Victoria prépare les cookies.
Luc Herbreteau nous explique la recette de l’atelier : « Ici, les élèves trouvent un autre type d’apprentissage. Pour les plus jeunes, c’est l’occasion d’apprendre en bougeant. Pour les plus grands, la pâtisserie permet de se préparer à un travail, d’éprouver leur capacité à aller au bout d’une tâche et les préparer pour le futur restaurant. ». Pour Patricia, c’est le juste équilibre entre production et pédagogie, qu’il faut garder en tête : « Nous ne produisons pas au-delà des capacités des équipes. Même si cela doit nous amener à refuser de grosses commandes. »
un financement privé
C’est lorsque l’on visite jusqu’aux remises de l’école, que l’on découvre toute l’ampleur du projet. Ici, est entreposé le matériel de cuisine pour Les Escales, un festival de musique saisonnier nazairien. À cette occasion, la Chrysalide, accompagnée d’une centaine de bénévoles, réalise frites et grillades, ce qui dégage une partie de financement indispensable pour l’établissement. En effet, le budget de fonctionnement n’est couvert qu’à 50 % par les frais d’inscription des jeunes. Ne recevant aucune aide de l’Etat, c’est Patricia qui fait le tour des financeurs, chaque année, pour faire tourner le projet.
Accompagnement vers l’emploi
La Chrysalide est une école, avec ses indispensables : lire, écrire, compter, et son ouverture au monde, aux arts et à la culture. Pour les plus grands, quatre jeunes ont une vingtaine d’année, l’orientation professionnelle est l’objectif de l’équipe éducative. La restauration est privilégiée, vus leurs centres d’intérêt et des stages qu’ils ont déjà réalisés. Ainsi, plusieurs restaurants partenaires voisins accueillent régulièrement des apprenants. Et Patricia, envisage de créer une formation professionnelle certifiante avec une école de restauration nazairienne. Pour le moment, le grand projet de l’équipe, c’est le futur lieu inclusif, L’envolée de la Chrysalide.
Un lieu inclusif au coeur de la ville
Depuis plusieurs années, Patricia réfléchit à créer un lieu d’emploi pour les jeunes accueillis à l’école. L’ouverture du restaurant Le Reflet fut un déclencheur : voir que des personnes porteuses de handicaps importants pouvaient travailler dans un restaurant ordinaire, voir que c’était possible, a fini de convaincre l’entrepreneuse.
Alors, lorsqu’un bâtiment au centre de Saint-Nazaire lui a été proposé, elle n’a pas pu refuser. Cet ancien hôtel au 15 avenue de la République, lui permettait d’imaginer un projet global : des logements, des emplois, du lien social
C’est dans ces 1 600 m2 sur quatre étages que le lieu se façonne : un étage dédié aux appartements autonomes pour les employés, un étage réservé à des seniors, des chambres étudiantes sur deux étages, et le tour est joué ! Le rez-de-chaussée accueillera le restaurant avec une belle cuisine ouverte et une terrasse, une boutique solidaire de déco, la pièce de vie réservée aux résidents et une grande salle dédiée aux événements culturels et artistiques.
Un lieu inclusif au coeur de la ville
Les travaux sont en cours, les futurs employés ont déjà travaillé sur les plans de leurs appartements avec l’architecte, des accords sont passés avec une école voisine pour les chambres étudiantes, les demandes pour les appartements senior commencent à arriver, la coordinatrice est recrutée… Il ne suffirait pas d’un article pour présenter tout le projet de L’envolée car il est aussi bien pensé, qu’ambitieux. Il montre surtout que les rêves peuvent devenir réalité et que la restauration inclusive n’est pas une utopie. Alors, rendez-vous à l’automne 2022 pour mettre les pieds sous la table.
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