Au sein des Brigades Extraordinaires, on a l’habitude de ne pas faire les choses comme tout le monde… Cette année, à l’occasion du DuoDay*, les Brigades Extraordinaires ont choisi d’inverser les rôles. Ce n’était pas la personne en situation de handicap qui venait découvrir le monde de l’entreprise, mais plutôt la personne non porteuse de handicap qui venait s’immerger dans le monde de l’entreprise inclusive, aux côtés des équipes des Brigades Extraordinaires. Le Mag a recueilli pour vous les témoignages inspirants des participants à ces DuoDay extraordinaires.
**Interviews téléphoniques réalisées en novembre 2024**
« une journée qui ouvre les yeux »
Témoignage de Damien Tixier, Responsable logistique Cargill Saint-Nazaire, stagiaire d’un jour au restaurant L’Envolée de la Chrysalide à Saint Nazaire.
« Je suis arrivé à L’Envolée à 9 heures. J’ai commencé directement en cuisine avec les chefs, et franchement, ça m’a tout de suite mis dans l’ambiance. Vers 10 heures, les personnes en situation de handicap sont arrivées, et là, j’ai vraiment pu voir comment ça fonctionne. Ce qui m’a frappé, c’est jusqu’à quel point ils arrivent à intégrer tout le monde, peu importe le handicap. De l’extérieur, on se dit souvent que c’est compliqué, mais en fait, ils ont trouvé leur rythme et ça marche vraiment bien.
J’ai trouvé ça très intéressant de voir cette spontanéité, cette petite folie que chacun apporte. Et c’est une folie positive, bien sûr. Les chefs réagissent super bien, ils encouragent, ils accompagnent, mais sans jamais infantiliser. À un moment, l’un d’eux s’est même mis à danser – tout le monde a joué le jeu, c’était génial. Ce qui m’a marqué, c’est qu’on ne les traite pas comme des personnes “différentes”, mais comme des professionnels à part entière. C’est très humain.
Cette journée m’a aussi fait réfléchir sur le handicap. Avant, dans ma tête, un handicapé, c’était surtout une personne en fauteuil roulant. Mais là, j’ai vu qu’il y a tellement de situations différentes, et qu’avec un peu de volonté, on peut s’adapter. Dans mon boulot, je suis responsable logistique dans une usine de trituration de graines de tournesol. On a des postes simples qui demandent plus de courage et de curiosité que de qualifications. Avec ce que j’ai vu, je me dis qu’il y a moyen de s’adapter et d’ouvrir ces postes à des personnes en situation de handicap.
Ce que j’ai vécu à L’Envolée, c’est une expérience très personnelle qui m’a fait évoluer. Maintenant, je me sens prêt à essayer de nouvelles choses dans mon entreprise. Ce ne sera peut-être pas parfait tout de suite, mais c’est un premier pas. Et je suis sûr que dans un an ou deux, on pourra construire quelque chose de concret pour aller plus loin dans l’inclusion. Franchement, ça m’a vraiment ouvert les yeux. »
« Il ne faudrait pas le faire qu’une semaine dans l’année »
Témoignage de Julien Gaborieau, Directeur général adjoint d’OC Sport, organisateur du Marathon de Nantes et stagiaire d’un jour au restaurant Le Reflet de Nantes.
Témoignages de Thierry Orieux, Directeur Général et Pauline Ripoche, Directrice Générale Déléguée de VST coopérative et stagiaires d’un jour au restaurant Le Reflet de Nantes.
« une journée qui change les perspectives »
Témoignage de Céline Thibert, organisatrice de la journée, avec Fanny Bergeron, et de Claudie Pierson et Eymeric De Boisset, maîtres de stage d’un jour au restaurant L’Atypik de Mâcon.
« Ce DuoDay inversé, c’était une belle expérience, vraiment. On a décidé de changer les règles du jeu : cette fois, ce n’étaient pas les personnes en situation de handicap qui allaient découvrir un métier, mais elles qui allaient apprendre leur savoir-faire aux autres. Franchement, ça a super bien marché. Comme l’a dit Claudie : « J’avais un peu de stress. Après, je me suis sentie bien. Organisée. J’ai pris mon courage à deux mains. J’ai ressenti cette journée inoubliable. »
Pour eux, c’était hyper valorisant. Ils ont montré ce qu’ils savaient faire, ils ont coaché les responsables des ressources humaines Marine Rebichon de l’entreprise Sateba et Christelle Lanquetin de Mathilde Créations. Et ça a changé leur posture : ils n’étaient plus juste des ouvriers, mais de vrais formateurs. Eymard, par exemple, était fier de transmettre son savoir : « Ça m’a permis de me sentir un peu à ma place, d’apprendre et de faire partager mon savoir. Nous avons fait la mousse de betterave ensemble. La personne en face s’est trouvée très satisfaite de mon enseignement. Elle n’y a pas goûté, j’étais un peu déçu, mais ça a été une très bonne journée. »
Au final, on a vu de l’autonomie, du professionnalisme, et surtout, une vraie reconnaissance de leur travail. C’était une journée riche d’enseignements pour tout le monde, et ça donne envie de continuer dans cette voie. »
« cette expérience m’a ouvert les yeux sur des aspects qu’on oublie parfois dans le tumulte de nos vies »
Témoignage de Thierry Bridron, chef exécutif de l’École Valrhona, et stagiaire d’un jour au restaurant Le Reflet de Paris.
« J’ai participé à un dîner à quatre mains au restaurant Le Reflet à Paris, et franchement, ça a été une expérience incroyable. Pourtant, au départ, je ne connaissais même pas ce restaurant, alors qu’il est à 50 mètres de l’École Valrhona. C’est presque par hasard que j’ai rencontré Flore, qui dirige cet endroit, et ça a été une révélation.
Le Reflet, c’est bien plus qu’un simple restaurant. C’est un lieu où des personnes en situation de handicap travaillent avec une efficacité et une sérénité impressionnantes. Ce qui m’a frappé, c’est la simplicité et la logique du système que Flore a mis en place. Elle a créé un environnement adapté où tout fonctionne de manière fluide. Les plats qu’on y sert sont d’une qualité remarquable, et l’équipe, avec ses Vincent, Cyril ou Ibrahim, est tout simplement extraordinaire. Ils ne sont pas différents, en fait : ils sont comme tout le monde.
Quand Flore m’a proposé de faire un dîner à quatre mains, je n’ai pas hésité une seconde. Et je dois dire que ça m’a beaucoup apporté. J’ai passé plusieurs heures dans leurs cuisines, à travailler avec des jeunes en situation de handicap. Ce n’était pas comme dans mes habitudes, où tout va vite, parfois trop vite. Là, j’ai dû ralentir. J’ai pris le temps d’expliquer chaque geste, de répéter, d’écouter. Et j’ai appris quelque chose de très précieux : la patience. Une vraie patience, celle qui pousse à écouter vraiment, à adapter ses mots, à comprendre ce que l’autre a besoin.
C’est ça qui m’a marqué le plus. Je suis sorti de cette soirée en me disant que finalement, on devrait tous faire un stage au Reflet. Ces jeunes et les deux femmes chefs en cuisine m’ont montré une autre façon de travailler, plus posée, plus humaine. Et pourtant, elles envoient les plats comme dans n’importe quelle grande maison, avec une sérénité et une force que je n’ai pas toujours vues ailleurs.
Ce n’est pas juste une réussite sur le plan culinaire. Bien sûr, les desserts qu’on a préparés ont plu, et tant mieux. Mais ce que j’ai ressenti dépasse tout ça. J’ai 58 ans, et je me dis qu’on a encore tant de choses à apprendre, même après des années dans le métier. Cette expérience m’a ouvert les yeux sur des aspects qu’on oublie parfois dans le tumulte de nos vies.
Je suis tellement content de l’avoir vécue, mais je suis presque triste pour mes confrères qui ne l’ont pas encore connue. C’est une expérience qui change, qui oblige à s’arrêter, à réfléchir et à voir les choses autrement. Au final, je suis reparti en me disant que c’était un privilège d’avoir pu vivre ça. »
« Ce sont nos salariés, certains en situation de handicap, qui sont les tuteurs officiels »
Témoignage de Pierre Maly, gérant et organisateur du DuoDay au Jardin Pêcheur à Bordeaux.
« Ici, au Jardin Pêcheur, accueillir des stagiaires, c’est une habitude, presque une tradition. On en reçoit près de 80 chaque année, pour des stages qui vont de quelques jours à plusieurs semaines. Mais ce qui rend notre démarche unique, c’est qu’aujourd’hui, ce sont nos salariés, certains en situation de handicap, qui sont les tuteurs officiels. Ça, c’est grâce au Permis de former, qu’on a mis en place il y a deux ans.
Ce dispositif a tout changé. Avant, c’était ma femme ou moi qui faisions office de tuteurs. Mais depuis qu’on a formé six de nos salariés en interne, ce sont eux qui prennent en charge les stagiaires, signent les conventions, font les bilans, et endossent cette responsabilité. Et je peux vous dire que ça a transformé leur manière de travailler. J’ai vu des salariés se révéler, prendre confiance, et s’impliquer comme jamais.
Un exemple qui me vient en tête, c’est une de nos assistantes de direction. Avant, elle était très réservée, presque inhibée. Mais depuis qu’elle a suivi la formation, elle est incroyable avec les stagiaires. Elle a pris une posture que je n’aurais jamais imaginée. C’est pareil en cuisine : un de nos cuisiniers, qui avait tendance à être un peu « dispersé », a complètement changé quand il a eu un apprenti à encadrer. Pour aider l’apprenti à se structurer, il a dû se structurer lui-même, et ça a eu un effet boule de neige.
Et ce qui est vraiment fort, c’est la réaction des stagiaires. Certains viennent pour découvrir un métier ou valider une reconversion professionnelle. Quand ils apprennent que leur tuteur est une personne handicapée, ça crée souvent une surprise positive. Ça bouscule les idées reçues, et ça ouvre des discussions super intéressantes.
Le Permis de former, c’est plus qu’une obligation légale. Oui, on en avait besoin pour pouvoir accueillir des apprentis, mais c’est devenu bien plus que ça. C’est un outil de management, un moyen de valoriser nos salariés, de leur donner des responsabilités et de les impliquer encore plus dans la vie de l’entreprise. C’est simple : avoir un stagiaire, ça oblige. Ça oblige à être à l’écoute, à expliquer, à transmettre. Et c’est dans cette dynamique qu’on a construit notre démarche.
Alors, quand on a accueilli Augustin, un élève de l’EREA, pour le Duo Day inversé, c’était une journée comme les autres pour nous. Mais ce n’est pas rien non plus : c’est une journée de partage, d’échange, et de transmission. Lui, il a découvert le métier de serveur, et nous, on a pu lui offrir cette opportunité. D’ailleurs, il veut revenir, parce que ça lui a plu. Et c’est ça, notre plus grande fierté. »
*Le DuoDay est une journée de stage découverte organisée en entreprise, pour toute personne en situation de handicap. L’opération est pilotée par l’ALGEEI en collaboration avec le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités. DuoDay s’inscrit dans la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées.
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