pierre-yves beaujard

Ouvrir la voie

Au Mag, on commence à connaître Pierre-Yves Beaujard et sa maman, Danièle. Pourtant, nous ne nous sommes jamais rencontrés. Mais Pierre-Yves a déjà fait l’objet d’un article dans le Mook que nous avions édité en mars 2019. Porteur de trisomie 21, il a décroché un CDI dans la restauration en milieu ordinaire. Nous avons profité du lancement du Mag des Extraordinaires pour faire le point avec lui sur son emploi au restaurant À La Bonne Heure, discuter de ses projets, revenir sur toutes les victoires obtenues pour l’inclusion avec le soutien de sa maman.

Nous avions pris rendez-vous par téléphone, la semaine dernière. En pleine période de reprise post covid 19, difficile de faire des programmes. L’heure convenue dépendait aussi de la date de reprise de Pierre-Yves au restaurant. Finalement, c’est bon. Je les entends tous les deux derrière le combiné. C’est lui qui répond, il me souhaite la bienvenue, je le sens heureux de me répondre. Tant mieux ! Ça m’intéresse de savoir où il en est et comment ça se passe pour lui.

alors d’où vient ce goût pour la cuisine ?

Hésitant, il n’est pas aussi précis que sa mère pour donner les dates. En duo, nous revenons sur les étapes qui ont mené ce jeune homme de 31 ans à ce poste en CDI qu’il occupe depuis maintenant plus de trois années à Chenôve. Elève assidu et inclus tout au long de sa scolarité et ce, à une époque où l’inclusion était moins répandue. Il a passé les étapes de maternelle, CLIS, collège pour parvenir à une formation qualifiante au CFA.

Là encore, il a ouvert la voie. « C’était le premier avec handicap mental à venir là », souligne Danièle. « Comme ça s’est très bien passé, ils ont ouvert, depuis, des passerelles avec un IME. »

Comment est-il arrivé à la cuisine ? Peut-être un peu par hasard.  Au moment du choix, c’était ça ou la maçonnerie/bâtiment. Pierre-Yves n’a pas hésité et il ne le regrette pas. Il a ensuite fait de nombreux stages et sa persévérance a payé.

cv, un parcours 100% cuisine

De 7 à 12 ans

CLIS (classe pour l’inclusion scolaire) en école élémentaire.

De 12 à 16 ans

Collège dont la 4ème et la 3ème avec UPI (unité pédagogique d’intégration) et atelier cuisine en SEGPA (section d’enseignement général et professionnel adapté).

De 16 à 18 ans

Poursuite des apprentissages scolaires avec une école privée en complément d’une formation en atelier cuisine et restaurant pédagogique en IME (institut medico-éducatif) et de stages professionnels en milieu ordinaire.

De 18 à 21 ans

Stages dans la restauration.

A 20 ans

Séquence d’évaluation et d’intégration en entreprise (SEIE TH) en IRFA (institut régional de formation adultes).

A 22 ans

Action courte qualifiante d’employé polyvalent de restauration dans un CFA (centre de formation d’apprentis).

De 22 à 27 ans

Agent de self au CHU de Dijon en contrat aidé (26h15/semaine).

Depuis 2017

Employé Polyvalent de Restauration À la bonne heure (CDI, 20h/semaine)

 

« on va y aller, on va voir »

C’est parce que son contrat aidé arrivait à terme sans possibilité de le renouveler, que Danièle Beaujard a recherché dans les petites annonces pour tomber sur une offre qui correspondait parfaitement au profil de Pierre-Yves.

A un détail près…

Le restaurant recherchait des personnes ordinaires… Qu’à cela ne tienne. Pierre-Yves se présente avec son envie et son assurance. La responsable d’un des trois restaurants de cette enseigne de Dijon a dit : « Banco pour un stage ! » Ce qui est enthousiasmant dans ce parcours, c’est qu’elle a convaincu le nouveau directeur franchisé des trois établissements d’embaucher Pierre-Yves en CDI.

« je gère mon poste »

À La Bonne Heure est le restaurant self-service de l’enseigne Casino dans la région. Ici, pas de service à table, les clients s’en chargent. Pendant son stage, Pierre-Yves était polyvalent, en préparation, mise en place, service. Il était souvent en salle et il avait créé des petites habitudes avec les clients. C’est ce rapport aux autres qui lui plaisait. A la reprise du restaurant en franchise, l’équipe a été réorganisée et les employés sont à présent répartis sur plusieurs postes : le froid, le chaud, la caisse, la plonge. La plupart du temps, ils sont seuls sur leur poste. Dans cette configuration, c’est le poste plonge/vaisselle qui est revenu à Pierre-Yves.

Un peu déçu dans un premier temps, il s’est vite rendu compte qu’il pouvait être autonome sur ce poste. Il gère ainsi jusqu’à 100 couverts quasiment sans aide. Comme il le dit lui-même, il est le « roi de la plonge » et y trouve une certaine satisfaction.

Un contrat ordinaire

CDI

20H / semaine

10H-15H avec 1H de pause à midi

1 week-end sur 2 travaillé, soit jusqu’à 10 jours consécutifs travaillés

 

« j’ai dit à mes chefs que, de temps en temps, j’aimerais bien aussi servir »

Pierre-Yves me raconte qu’il a quand même un contact avec les clients grâce à son poste, au moment du débarrassage des plateaux, lorsqu’il installe la vaisselle propre. Il apprécie particulièrement rendre service :

« Quand il y a des gens en fauteuil, je suis toujours là, à leur secours. »

« C’est cela qu’on aborde quand on parle d’évolution de poste : être plus au contact de la clientèle. Cela devrait être possible avec la reprise », nous explique sa maman. Affaire à suivre donc.

pas d’aménagement matériel de poste

En attendant, on évoque la relation aux autres, avec les collègues de travail. Lorsque j’aborde les possibles difficultés au restaurant, assez spontanément, ils me racontent, que comme dans toutes les équipes, il peut y avoir parfois des tensions. Qu’il y a eu des personnes avec qui ça s’est moins bien passé. Ils ne veulent pas rentrer dans le détail mais je sens que cela peut être difficile à vivre pour Pierre-Yves. Mais ça, c’est derrière eux et ils me rassurent : « C’était une exception, la plupart du temps tout se passe heureusement
très bien… »

Côté aménagement de poste, le sien n’a pas nécessité d’aménagements matériels. En revanche, les horaires et le planning sont un peu adaptés. C’est d’ailleurs ce qui peut parfois créer des tensions avec les autres. Certains les perçoivent comme des « petits privilèges », pas toujours compris… Mais finalement, concluent-ils en cœur, en voyant son courage et son envie de bien faire, la plupart des employés le soutiennent…

 

je fais surtout du sport, en tant que sportif !

Mais ce que je découvre lors de cet échange avec Pierre-Yves c’est sa passion pour le sport ! Il ne rate pas un entraînement à son club de gym dont il est membre élu au bureau. Il participe également à l’organisation des week-ends de compétitions. Le sport fait partie intégrante de son quotidien.

Quand il rentre du travail, après une petite sieste bien méritée, c’est gym ou natation, course à pied ou vélo d’appartement.

je suis un travailleur, je suis un fonceur

Il est maintenant temps de se quitter non sans une petite conclusion sur les conseils à donner aux employeurs qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure.

Sans hésitation, Danièle souligne la motivation sans faille de Pierre-Yves. Comme elle le dit, en milieu professionnel, la gestion du personnel est souvent difficile, avec beaucoup d’absentéisme.  Alors que de son côté, Pierre-Yves aborde le travail comme il aborde le sport : « Un sportif ne rate jamais un entraînement ! »