Lors du séminaire annuel des Brigades Extraordinaires, qui s’est tenu au restaurant inclusif Cocottesà Bois-Colombes, les fondateurs et porteurs de projets de restaurants inclusifs ont découvert des initiatives novatrices. Patricia Abellard (L’Envolée de la Chrysalide – Saint-Nazaire) et Gonzague Peugnet (L’ExtrA – Reims) ont partagé leurs expériences et bonnes pratiques pour favoriser l’inclusion à travers la reconnaissance des acquis de l’expérience et un modèle de gouvernance coopératif.

**Témoignages issus du séminaire des Brigades Extraordinaires de janvier 2025  **

uN partenariat fondé l’envolée de la chrysalide à saint-nazaire et la reconnaissance des acquis de l’expérience (RAE)

« Quand nous avons ouvert L’Envolée, nous étions animés par une conviction forte : permettre à des jeunes de s’épanouir et de développer de réelles compétences professionnelles. Pourtant, nos premières tentatives d’inscription dans des centres de formation traditionnels ont été semées d’embûches. On nous rétorquait que ce n’était pas possible, que nos jeunes ne correspondaient pas aux critères d’admission. C’était incompréhensible, car nous voyions chaque jour leur potentiel et leur envie d’apprendre. »

« Nous avons alors cherché des solutions alternatives et nous avons eu la chance de rencontrer des enseignants du lycée hôtelier de Saint-Nazaire qui ont accepté de former nos jeunes bénévolement. Rapidement, nous avons été bluffés par leur progression. C’est à ce moment-là qu’ils ont commencé à nous demander : ‘Pourquoi nous n’avons pas de diplôme ? Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir une reconnaissance de ce que nous savons faire ?’ C’était une question essentielle. »

« C’est ainsi que nous avons découvert l’association ‘Différents et Compétents’, qui permet de reconnaître officiellement les compétences acquises en situation de travail. Cette approche repose sur trois piliers fondamentaux : tout le monde peut apprendre, l’entreprise est un lieu d’apprentissage, et la reconnaissance des compétences est primordiale. Cette philosophie nous a immédiatement convaincus. »

« Nous avons alors mis en place un système d’évaluation basé sur les référentiels métiers. Nos jeunes peuvent démontrer leurs compétences de trois façons : en situation de travail devant un jury, à travers un dossier de reconnaissance, ou par des stages extérieurs. L’entretien de valorisation est un moment fort : il permet à chacun de prendre conscience de tout ce qu’il sait faire, même parfois sans en avoir conscience. »

« Aujourd’hui, nous voyons à quel point cette reconnaissance change leur regard sur eux-mêmes. Ils gagnent en confiance, leur entourage les voit différemment, et cela crée une véritable dynamique positive. Ce n’est pas un simple dispositif, c’est une réelle transformation. Nous espérons maintenant aller encore plus loin et permettre à toujours plus de jeunes de bénéficier de cette reconnaissance. »

« Avoir un talent, c’est bien, mais le voir reconnu, c’est encore mieux. La RAE nous a permis de concrétiser cette idée, et nous en sommes fiers. »

Un engagement qui prend vie sur le terrai L’extra reims et la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC)

« Lorsque nous avons dû choisir le statut juridique de L’ExtrA Reims, notre restaurant inclusif, nous avons rapidement écarté les formes classiques comme la SARL, la SAS ou la SA. Ce que nous voulions avant tout, c’était placer l’humain au cœur de notre projet et garantir une gouvernance partagée. C’est ainsi que nous avons choisi de devenir une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC).

Le principal atout d’une SCIC réside dans son modèle de gouvernance démocratique : chaque associé dispose d’une voix, quel que soit le montant de son investissement. Cela permet une prise de décision collégiale et une répartition équitable du pouvoir. Chez nous, les associés sont répartis en plusieurs collèges : les bénévoles, les clients, les membres du conseil d’administration de l’association qui a porté le projet, ainsi que l’association elle-même. Nous avons organisé cette structure de façon à ce que l’association reste majoritaire, garantissant ainsi le respect de notre mission sociale.

Ce statut nous a aussi permis d’innover en proposant à nos salariés, y compris ceux en situation de handicap, de devenir associés. Nous avons accompagné cette démarche avec une traduction en FALC (Facile à Lire et à Comprendre) pour en faciliter l’accès. Certains ont fait le choix de s’engager, aidés par un dispositif régional qui doublait leur apport en capital. Symboliquement, cela montre que l’inclusion ne s’arrête pas à l’emploi : elle s’étend à la gouvernance et à la propriété de l’entreprise.

Au quotidien, cette structure favorise une implication active des associés. Certains bénévoles viennent en renfort sur des prestations, d’autres apportent une aide à la gestion ou à l’administration, toujours dans un cadre légal et transparent. Cela crée un écosystème solidaire où chacun trouve sa place.

Bien entendu, nous devons encore améliorer l’animation de notre coopérative, en renforçant la participation aux conseils coopératifs et en impliquant davantage nos associés dans la prise de décision. Mais une chose est certaine : nous referions ce choix sans hésiter. La SCIC nous permet de concilier projet économique et mission sociale, sans tomber dans un modèle purement associatif ou lucratif. C’est un véritable outil au service de l’inclusion et de l’économie sociale et solidaire.

Pour toutes les structures qui souhaitent allier performance économique et gouvernance participative, nous recommandons vivement d’explorer cette voie. Le chemin n’est pas toujours simple, mais l’impact humain et collectif en vaut largement la peine. »

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